Dant'Elles

A l'heure où la théorie du genre bat son plein et fait des émules, la femme trentenaire pas vraiment (dé)finie est en droit de se poser la question: qu'est ce qui fait de moi une fille? Après tout, sans les trémolos d'un utérus gâteux, difficile de revendiquer sa féminité dès lors que l'on raye de notre quotidien les talons aiguilles, le vernis à ongle, les cheveuxtoutlisses et la moue "lèvres bisous/un oeil plus fermé que l'autre pour susciter ton désir/profil étudié anti double menton" en selfie de profil. 

Oh ca va hein, ma mère n'était pas très théorie du genre non plus.

On atteint deux extrèmes entre 1) appartenir réellement à un genre -avec tous ses clichés- ou 2) se borner dans l'idée qu'il faut effacer les différences entre les deux (qui sont en fait plus nombreux, mais ne lançons pas ce débat aujourd'hui) en mimant l'autre à outrance par crise identitaire. Entre les deux, il y a ceux qui peuplent le vide, qui sont à la fois l'un dehors mais aussi un peu de l'autre dedans, sans l'être toutefois assez pour rejoindre la communauté d'un troisième genre. (une autre fois j'ai dit.) Avec toutes ces histoires, j'en ai presque des scrupules à revendiquer mon sacro saint statut de garçon manqué. La "femme manquée" n'ayant pas l'honneur de ce titre puisqu'une "femme" n'obtient ce dénominatif que si elle est réussie. Pour les autres, un pannel d'adorables petits sobriquet tentera de faire passer la pillule. Une litote bien pesée. 

Exemple de Litote : Alors que nous sommes bien pires que ça. 

*sans publicité aucune pour le bouquin, c'est une vraie daube. A mon humble jugement. 

Je n'ai pas envie de me la jouer princesse paillettes (désolé, quand je pète, ça sent comme tout le monde) ni le bonhomme craint-déguin. Mais, on est bien d'accord, la verge donne le pouvoir de piétiner l'autre genre, et rien que ça, ça me donne encore plus envie d'en avoir une. (avec faire pipi debout, avoir une des érections, courir comme Kirikou, et faire l'hélicoptère avec elle. Liste non exhaustive.) Dans les années 1990, quelle ne fut pas ma fierté de parler bagnoles, taper dans le ballon, et construire des cabannes. (Mais alors au tout début de ces années-là, parce que vas essayer de pécho en proposant à un BG de clouer des planchettes, tu verras que ça marche pas systématiquement à compter de l'âge ingrat de l'adolescence.) Aujourd'hui, tu ne peux plus jouer de la mèche rebelle et de la boue sur tes godasses en te réclamant masculine. Les fémens te rapelleraient dans le cas contraire que "Eh, t'es une femme quand même,oK? Y a pas de manière d'être femme, oK?" et en profiteraient sans doute pour te foutre un bout de téton dans la bouche. (Je ne vois pas d'autres foutues raisons de sortir ses nibards devant toute la République, si ce n'est pour proposer une suscion à son interlocuteur.)

Mais ça me va d'être garçon manqué, laissez moi tranquille. De l'autre côté, les bien pensants te rappeleront que tu dois prendre soin de toi, que ce n'est "vraiment pas raisonnable cette manière de s'habiller avec des joggings de mecs", qu'il te faut trouver un bon mari, te faire engrosser et que les surprises de ton avenir se cantonneront au suspens de "Questions Pour un Champion", le fumet de tes gratins étant ta raison d'être. (Monsieur Lepers, si vous me lisez, sachez que j'adore votre émission, vous êtes bien meilleur que Foucault, J'vous jure) Alors ouais, c'est paradoxale, mais j'ai quand même vachement envie d'être féministe pour : 

• Etre payer comme un homme pour le même job.
• Ne pas faire une double journée (ben ouais, je me suis fait engrosser, comment croyez-vous que je connais Julien Lepers?) soit 7h en moyenne de travaux rémunérés et 9h à la maison en bénévolat.
• Que ma sensibilité ne soit pas considérer comme de la sensiblerie. 
• Ne pas perdre mon sang froid lorsqu'on remarque que je ne me suis pas rasée les aisselles
• Ne rien devoir à personne parce que ma condition m'y oblige forcément (voir point 1)
• Avoir un peu de reconnaissance, mieux, d'aide systématique sans la quémander comme une faveur (voir point 2)
• Ne plus avoir besoin d'être féministe. 

"Je peux faire l'hélicoptère avec ma bite, j'ai donc le droit de faire de ma meuf une seconde mère"

Et en même temps, être une femme, c'est juste géniale et je ne m'en plains pas. En réalité, je suis même carrément contente d'en être une, d'avoir porté et mis un enfant au monde, de pouvoir pleurer devant "N'oublies jamais" parce que mon genre le permet et être doter d'un cerveau multitaches. Même m'être innonder la chaussure gauche quand j'ai voulu essayer envers et contre-tout de pisser debout, ça me va, c'est dire. Et puis si on a le droit à 20 ans de bonheur en mettant ce même pied dans un caca de chien, imaginez ce qu'on déguste en le noyant d'urine. Mais bref. A dire vrai, j'aime ma condition, qui invite à être cajoler et me faire sussurer des mots doux -même pour de faux-. Je n'ai pas honte d'aimer cuisiner pour mes hommes, et je ne suis pas assez rationelle pour être logique. (Quel est le foutu rapport, justement, c'est genre le "Ouais,tu vois ce que je veux dire" typiquement féminin, que peu d'hommes comprennent.) J'aime vraiment bien être une femme. Même manquée. Mais j'aime conduire une motoneige, me tenter un vol en parapente, et déboucher le siphon toute seule.

Et puis quoi qu'on en dise, on gardera malgré tout, toujours, toutes,

un pouvoir sur les hommes que peu d'entre eux auront sur nous.

Franchement, à part Amantine Aurore Lucile Dupin, allias George Sand, je vois pas comment te sortir la meilleure part des deux. (NB: moi aussi avec ce nom là, j'aurais voulu m'appeler George) C'est aussi vexant de ne pas être à la hauteur de ce qu'on attend de la femme, qu'humiliant de se réduire à cette même idée pour être considéré comme telle. J'aurais tendance à dire que nous sommes bel et bien égaux, bien que différents. Je pense juste que nous ne sommes pas égaux dans les mêmes choses.  Je crois que nous sommes de même valeur, oui, mais aussi que nos talents ne sont pas les mêmes. Je veux bien mettre du rose à mon fils, mais pas que demain on me fasse porter les courses. Oui, on peut conduire un camion! Mais on est quand même foutrement moins musclé dans d'autres domaines, en général, non? 

Nous sommes donc d'accord, même en rose, peu d'entre nous peuvent dominer physiquement à ce point l'autre genre sans son consentement. 

Non, on ne peut instaurer une rupture du genre, je n'y crois pas un cachou. Il y a bel et bien des domaines qui nous sont propres. Lorsqu'on veut à mon sens aller à l'encontre de ceux-ci, on perd autant que l'on gagne. Ne demondons pas à un homme de nous prêter sa veste si l'on exige d'être comme lui. Après tout, il aura froid lui aussi. Si la pratique est foireuse, la théorie n'est donc pas bonne. Mais je ne nous juge pas. Ce n'est pas mon genre.